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Compte rendu du Procès des déboulonneurs du Gard

dimanche 18 mars 2007, par nicolas

Procès des déboulonneurs du Gard, 9 mars 2007 à 14 h, tribunal correctionnel d’Alès.

Rappel des faits

Le 26 mai 2006 à Anduze, vers 19h15, François Jourde et Sara M. sont arrêtés par les gendarmes. Perchés sur leurs échelles, en présence d’une douzaine de sympathisants et d’un journaliste du Midi Libre, ils venaient d’inscrire « Halte au matraquage, votre pub en 50 cm x 70 cm » sur une peinture murale de 28 m2 appartenant à la société Netto, et « pub = pollution visuelle » sur un panneau 4 x 3 m de l’afficheur Cévennes Publicité. Leur déposition à la gendarmerie durera près de deux heures.
Voir le compte rendu de l’action

Leur procès, initialement prévu le 8 décembre, est reporté au 9 mars.
Pour avoir « volontairement tracé des inscriptions, des signes et des dessins sur des panneaux publicitaires » (article 322-1 al. 2 du Code pénal), les militants encourent 3 750 € d’amende, une peine de travail d’intérêt général, ainsi que la privation de leurs droits civiques et l’interdiction d’exercer une fonction publique.

Les parties civiles

Outre Netto et Cévennes publicité, deux autres sociétés se portent parties civiles : il s’agit des magasins Super U et Gitem, dont plusieurs panneaux ont été encollés d’affichettes portant l’inscription « Marre de la pub », faits que les prévenus n’ont jamais reconnus. Le montant total des dommages et intérêts demandés s’élève à 2 300, 67 euros.

Rassemblement devant le tribunal

Une soixantaine de personnes sont venues en soutien, dont plusieurs membres des Collectifs parisien et montpelliérain. Les quotidiens La Marseillaise et le Midi Libre sont présents, ainsi que la chaîne de télévision France 3.

Audience

Les sympathisants sont trop nombreux pour entrer dans la salle d’audience tous en même temps ; ils acceptent donc de bonne grâce de procéder par roulement.
À noter : les parties civiles ne sont pas présentes, mais leur plainte n’en reste pas moins recevable.

Audition des prévenus

Les prévenus sont appelés à la barre. Après le rappel des faits, ils sont invités à s’expliquer sur leur acte.
Ils insistent tous deux sur le fait que l’imposition de messages dans un lieu où nul ne peut s’y soustraire, à savoir l’espace public, constitue une agression et bafoue la liberté de non-réception. Ils rappellent l’objectif du Collectif, qui est de ramener la taille de l’affichage commercial à celle de l’affichage associatif, à savoir 50 x 70 cm.
Leurs déclarations respectives sont fréquemment interrompues par le président qui rappelle avec véhémence que « le tribunal n’est pas une tribune politique ».

Après vingt minutes environ de déclaration, les prévenus sont invités à se rasseoir. Le procureur ne leur aura posé aucune question.

Témoins

Le président, apprenant qu’aucun des témoins n’était présent le jour du barbouillage, ne souhaite pas entendre autre chose qu’un simple témoignage de moralité : « les prévenus sont-ils, oui ou non, des personnes recommandables ? ». Les trois témoins sont malmenés et sans cesse interrompus, mais parviennent tout de même à faire entendre quelques idées clés pendant les quelques minutes de parole qui leur sont accordées.

- Pierre-Jean Delahousse, président de l’association Paysages de France. Il témoigne de quinze années de lutte contre les afficheurs délinquants... et contre l’État, c’est-à-dire contre les préfets et maires qui ne font pas respecter la loi.
- Silvain Pastor, conseiller municipal de Nîmes, conseiller régional du Languedoc-Roussillon, membre des Verts. Il fait part de son expérience d’élu en matière d’affichage publicitaire, apportant ainsi un éclairage local sur les déclarations de Pierre-Jean Delahousse.
- Frédéric Barbe, géographe et enseignant. Auteur d’un texte intitulé « La liberté d’expression n’est pas une marchandise », (voir http://www.acrimed.org/article558.html), il insiste sur les méfaits de la publicité sur les enfants, extrêmement malléables, et fait remarquer le détournement de sens opéré par les publicitaires lorsqu’ils invoquent la liberté d’expression pour justifier leur activité.

Réquisitoire

Le procureur brode autour du thème « tout le monde aime désobéir : les enfants désobéissent à leur parents, les automobilistes désobéissent au code de la route, c’est humain…Mais dois-je faire la différence entre un artiste et un idéaliste ? Autrement dit, dois-je fais la différence entre vous et des tagueurs ? »
Il requiert une amende avec sursis, sans en préciser le montant, mais déclare avec emphase qu’il « laisse la porte ouverte à une dispense de peine ».

Plaidoirie

Maître François Roux, qui a déjà défendu le Collectif des déboulonneurs lors des procès de Montpellier en juin 2006 et de Paris en janvier 2007, interpelle le juge sur les méthodes scandaleuses des publicitaires et le matraquage qu’ils mettent en œuvre pour envahir nos « cerveaux disponibles ».
Il justifie l’action des prévenus par le fait que tous les recours démocratiques sont épuisés, et plaide l’état de nécessité ainsi que le droit à vivre dans un environnement sain, mentionné dans la Charte de l’environnement intégrée dans la Constitution du 4 octobre 1958. Agir pour préserver l’environnement relève bel et bien du devoir, souligne-t-il avec force.
Il rappelle l’histoire de la désobéissance civile, en citant notamment le « Manifeste des 343 salopes » qui se battaient pour le droit à l’avortement, et bien sûr le Général de Gaulle, condamné à mort après avoir appelé les Français à désobéir, le 18 juin 1940.
Enfin, il exhorte le président à faire preuve d’audace, et à prononcer une peine plus clémente encore que celles édictées par les tribunaux de Montpellier et Paris (respectivement 200 euros avec sursis et un euro symbolique) : « c’est à vous que reviennent le privilège et l’honneur d’aller encore plus loin : relaxer ! »

L’audience aura duré un peu plus d’une heure.

Le délibéré sera rendu le 23 mars.

Article de la Marseillaise du 8 mars 2007

Article du Midi Libre du 9 mars 2007

Article du Midi Libre, 10 mars 2007

Article de la Marseillaise, 10 mars 2007

Reportage de France 3 Pays Gardois, 9 mars 2007