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Publicité à Paris : renoncements de l’équipe municipale ?

jeudi 10 février 2011, par nicolas

Une récente étude largement commentée dans la presse fait état de la défiance croissante de la population à l’égard des élus. Fait nouveau, les élus locaux ne sont plus épargnés. Les raisons de ce désamour sont forcément multiples, individuelles et difficiles à cerner. Mais avec 83% des personnes interrogées estimant que leur avis n’est pas ou peu pris en compte par nos représentants, une grande tendance se dessine : celle de la déconnexion de nos dirigeants des attentes de la société. A Paris le feuilleton du règlement local de publicité (RLP) pourrait faire figure de cas d’école. Il illustre parfaitement la façon dont sont hiérarchisées les demandes des afficheurs et les aspirations des parisiens, le tout enrobé par un discours faussement volontariste et sciemment trompeur de l’équipe de M. Delanoë. Récit en trois actes.

Acte I – 2007. Les discussions autour du nouveau RLP sont en sommeil depuis deux ans. Temps nécessaire aux négociations pour le fameux contrat Vélib qui échange des vélos en libre service contre des panneaux publicitaires sur le domaine public. Après l’inauguration en grandes pompes durant l’été, il est temps de penser aux élections municipales de mars 2008 et de faire taire les mauvaises langues qui dénoncent le manque de transparence de ce marché. Le groupe de travail sur le RLP est rapidement remis en oeuvre et un projet est finalement voté par le Conseil de Paris en décembre. Se basant sur des estimations fantaisistes, M. Delanoë peut ainsi largement se vanter dans la presse d’une future diminution très importante de la place de la publicité dans les rues de la capitale malgré le contrat signé avec JCDecaux. Qu’on se le dise, cet homme là ne cède pas aux lobbies et agit dans l’intérêt de ses administrés !

Acte II – 2008-2010. Fidèles à leurs habitudes, les afficheurs décident d’attaquer en justice ce nouveau règlement pour vice de forme, à défaut de pouvoir directement contester le fond. Déboutés, ils menacent de réitérer leurs attaques pour une nouvelle faille si le maire ose signer ce RLP et le mettre en oeuvre. Capitulant, la mairie décide de convoquer un nouveau groupe de travail mais jure qu’elle fera revoter la version de 2007 à l’identique. En parallèle, au niveau national, le Grenelle de l’Environnement enregistre de très nets reculs pour les paysages en légalisant de nombreux dispositifs publicitaires illégaux et en offrant un boulevard aux bâches publicitaires et aux écrans numériques.

Acte III – 2011. De gigantesque bâches publicitaires fleurissent justement sur les monuments historiques de Paris. L’émotion légitime de nombreux acteurs du monde de la culture commence à poindre dans la presse. Mme Pourtaud, adjointe au Patrimoine en charge du RLP, explique que la mairie ne peut rien faire et renvoie vers l’Etat. Pratique, mais faux ! La nouvelle version du RLP prévoit explicitement ce cas et sécurise cette pratique. De la même manière, on assiste à une offensive médiatique des syndics de copropriétaires pour laisser apposer des bâches sur les échafaudages de travaux. La question financière est au coeur de tous les arbitrages. De l’argent pour les rénovations, de l’argent pour le budget municipal, de l’argent pour les vélos. Mais où sont donc passer les hommes politiques ? N’y a-t-il plus que des gestionnaires ? Les enjeux de société soulevés par la publicité massive dans les rues ou l’existence même du financement de services publics par de l’argent privé sont elles des questions définitivement tranchées ? Que penser dans ce cas des trois avenants que la maire de Paris concède à JCDecaux sur le marché Vélib en renonçant ainsi à plusieurs millions d’euros de recettes ? Double langage, amitiés et suspicion.

L’étape finale pour le RLP de Paris a débuté la semaine dernière. On enregistre déjà des reculs. Ainsi sous la pression des professionnels et contrairement à ce qui avait été annoncé, le RLP ne sera pas celui de 2007. Deux mesures symboliques viennent d’être proprement rabotés : l’interdiction de publicités dans un rayon de 50 mètres autour des écoles et l’extinction des dispositifs lumineux et déroulants la nuit. Ces mesures étaient justement plébiscitées par les habitants à 80% selon un sondage Ifop de juin 2010. La boucle est bouclée. Nos élus préfèrent écouter les lobbies et prendre des décisions qui s’éloignent des aspirations les plus simples : vouloir vivre sans être en permanence matraqués par la réclame.

L’épilogue de cette tragédie se déroulera ce vendredi avec la dernière réunion du groupe de travail. Un sursaut est-il envisageable ? Souhaite-t-on une réforme emblématique pour Paris, à l’opposé de ce que le gouvernement prépare sur le sujet ? Ou alors continue-t-on de creuser le désamour entre la population et notre classe politique ? La réponse risque d’être amère.